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KIKOU YAMATA

(1897-1975)

Kikou Yamata, peinture de Foujita (1926)

Biographie

Kikou Yamata est née à Lyon le 15 mars 1897, fruit du coup de foudre entre une jolie Lyonnaise et Yamada Tadazumi, diplomate japonais natif de Nagasaki. Celui-ci, ayant suivi les cours de français de Léon Dury, fut l'un des collaborateurs d'Emile Guimet au Japon puis en France, avant d'être nommé par l'empereur Meiji Consul du Japon dans la capitale française de la soie, et chargé d'y développer les ventes de ce qui était alors le premier produit d'exportation du Japon.

En 1908, Kikou quitte la France pour Tokyo, où elle suit l'enseignement du Sacré-Coeur de Tokyo. Elle fait ses premières armes d'écrivain en collaborant au journal Yomiuri, ainsi qu'à la revue "Extrême-Orient". A la mort de son père en 1923, elle rentre avec sa mère en France, et commence des études d'histoire de l'art à la Sorbonne. Elle fait peu après, à 26 ans, son entrée dans les salons littéraires parisiens. Cette jeune fille insouciante portant le kimono devient vite "la" Japonaise pour la société parisienne de l'époque, d'autant plus qu'elle parle un français parfait: les habitués des salons de Mme. Lucien Muhlfeld ou de la duchesse de la Rochefoucauld se passionnent pour les explications que "Mademoiselle Chrysanthème" (=kikou, en japonais) donne sur le Japon, pays étrange et exotique surtout connu en France au travers des romans de Pierre Loti.

Elle rencontre les grandes figures du monde littéraire parisien, André Maurois, Anna de Noailles, Jacques Chardonne, Cocteau, Léon-Paul Fargue et Paul Valéry, qui écrit la préface de son premier ouvrage, Sur des Lèvres Japonaises, petit recueil de contes japonais et de pièces de Noh traduites.

La célébrité littéraire vient avec Masako, roman publié en 1925. Ce récit de l'amour de deux jeunes gens qui font fi des conventions sociales est lancé avec grand renfort de publicité par les Editions Stock : la photo de Kikou Yamata en kimono est distribuée à toutes les librairies de Paris, et Kikou en personne fait une démonstration d'ikebana dans la vitrine de la librairie Stock, place du Théatre Français. Le roman reçoit un accueil très flatteur de la critique, et est un véritable succès de librairie.

Le magazine "L'Illustration" du 16 janvier 1926 annonce l'ouvrage en ces termes : "Mlle Kikou Yamata, fille d'un japonais et d'une française, a vécu son enfance et son adolescence au Japon. revenue naguère à Paris, elle poursuit en Sorbonne ses études de licence ès lettres. Son premier roman, Masako, témoigne qu'elle écrit très purement notre langue, avec néanmoins quelque préciosité. Ce récit a la fraîcheur joliment maniérée des estampes nippones. Il nous révèle le coeur modernisé d'une jeune  japonaise qui, malgré ses deux vieilles tantes outrées par l' "inconvenance d'un mariage d'amour", épousera Naoyoshi "dont le baiser fondant et doux met sur les lèvres le goût de la prune mûre mangée à jeun dans le jardin" ".

Masako en est à sa vingt-septième édition lorsque parait, en 1927, Le Shoji, recueil de nouvelles qui mettent en scène des jeunes femmes japonaises, reflets d'un "Japon authenthique, avec la mélancolie et la vertu" qui plaisent tant dans les salons bourgeois d'entre les deux guerres.

En 1928, Kikou Yamata publie dans la collection "Feux Croisés" chez Plon, une traduction partielle du Roman de Genji , première publication en français de ce grand roman classique japonais du Xe siècle. La même année, elle fait la rencontre du peintre suisse Conrad Meili (1895-1970), chargé par un journal de Neuchatel de croquer son portrait. Déjà marié et père de deux enfants, il divorce pour épouser Kikou en 1932.

En 1929, elle reçoit des Editions Gallimard une commande pour une Vie du Général Nogi, ouvrage pour lequel elle part rassembler une documentation au Japon. Elle y reste un an, logée avec sa mére dans la maison des Yamata à Zaimokuza, un quartier de Kamakura.

Parallèlement à sa carrière littéraire, Kikou Yamata continue aussi à faire connaître l'art du bouquet japonais, l'ikebana,dont elle a été la pionnière en France. A partir de 1930, elle expose au Grand-Palais, au Salon d'Automne, qui admet officiellement l'art du bouquet dans sa section d'art décoratif en 1938.

(ci-contre: Kikou Yamata au Salon d'Automne, par Paule Gobillard, nièce de Berthe Morisot).

Mais l'époque n'est plus aux fleurs : le Japon, conquérant violent de la Chine, n'est plus aux yeux du monde le pays courtois et raffiné qu'avait décrit Kikou. "Vous n'aviez pas prévu cela !", lui lance Chardonne quand éclate l'Affaire de Mandchourie. L'hostilité grandissante qu'elle perçoit à Paris envers le Japon transparait dans Mille Coeurs en Chine , roman écrit en 1937, où elle met en scène une Japonaise dans la Chine en guerre.

Elle quitte Paris pour le Japon en 1939, dont elle se sent alors sans doute plus proche, une semaine avant l'invasion de la Pologne par Hitler. Antoinette Manz, femme de l'ambassadeur de Suisse à Tokyo (1997-2005), qui a passé son enfance au Japon pendant la guerre, se souvient bien de Kikou Yamata :

Les Meili étaient de fréquents invités de nos compatriotes installés à l'ambassade des Etats-Unis. Les Suisses pouvaient alors encore inviter des amis japonais, malgré les troubles de la guerre, Notre petite bande d'expatriés cherchait la compagnie les uns des autres aussi souvent que possible, et les Meili étaient spécialement bienvenus car Kikou était une interprète particulièrement capable de ce Japon monolithique qui déferlait alors sur toute l'Asie. Deux peintures de Meili gardent son souvenir vivant pour moi aujourd'hui.

(ci-contre: Kikou Yamata, par Conrad Meili, 1933).

 

A Kamakura, où elle habite, Kikou Yamata finit par être inquiétèe par la Tokko, équivalent japonais de la Gestapo, pour ses amitiées françaises et ses idées libérales. Arrêtée, elle passe 3 mois en prison en 1944.

Après la guerre, Kikou Yamata revient en France, et partage son existence entre la maison d'une amie à Meudon, et sa ferme des bords du Léman. Elle renoue avec la littérature, quand, en 1951, le Grand Prix du Festival de Venise, attribué au film "Rashomon" de Kurosawa, remet le Japon à la mode. Elle participe alors à de nombreuses conférences et expositions sur les arts du Japon.
Les deux ouvrages qu'elle écrit en 1953, Trois Geishas et surtout la Dame de Beauté, connaissent un grand succès en France etsont traduits en anglais, ce qui fait connaître Kikou Yamata aux Etats-Unis, d'où l'écrivain Henry Miller lui envoie une lettre enthousiaste.

Kikou Yamata reprend aussi ses démonstrations d'ikebana, aux Floralies de Gand 1955, où elle est invitée, puis en 1957 à Paris, au pavillon japonais du Salon des Arts Ménagers, puis dans la boutique de la revue Elle sur les Champs-Elysées. Elle publie en 1960 l'Art du Bouquet.

Elle est faite Chevalier de la Légion d'Honneur en 1957.

Kikou Yamata est morte  le 12 mars 1975. Elle nous laisse une oeuvre attachante, où trois thèmes dominent:

  • La description du Japon et de son histoire.
  • La femme japonaise, figure puissante, à l'opposé de la mousmé de Loti, et que Kikou Yamata dépeint  au fil de l'évolution du Japon du 20ème siècle.
  • La dualité de sa propre existence franco-japonaise, ni totalement occidentale, ni totalement orientale, et pourtant sommée par le cours de son histoire d'assumer l'une ou l'autre de ces identités.

En ce début de 21ème siècle, qui voit grandir le nombre de ces enfants nés, comme Kikou Yamata un siècle plus tôt, d'amours franco-japonaises, ce dernier aspect est sans doute le plus actuel de son oeuvre.

 

© 2009 Dojo Miyamoto Musashi